NEOPOLIS - Un pour cent pour la recherche populaire

L'intérêt des associations caritatives ou de malades se concentre sur des maladies ou déficiences particulières. Pour les gens moins concernés par un sujet précis, il est difficile de s'impliquer dans la recherche.

Je propose une expérience qui ferait de cette implication une réalité : dépenser un pour cent du budget public de la recherche sur des sujets intéressant le public non scientifique.

Actuellement, l'argent pour la recherche est accordé en fonction de l'agenda fixe par des comités composés de scientifiques établis, de dirigeants d'entreprise et de bureaucrates gouvernementaux.

Quelles questions susceptibles de trouver une réponse scientifique rencontrent-elles l'intérêt du public ? Pour le savoir, le moyen le plus simple serait de lui demander ses suggestions. Elles pourraient provenir de groupes comme les associations de défenseurs de la nature, de possesseurs de ruches, de jardiniers amateurs, de consommateurs, de femmes, aussi bien que des syndicats ou des autorités locales. Les sujets de recherche potentiels seraient discutes dans leurs publications respectives, dans les revues spécialisées, les forums sur internet. Les propositions et suggestions de recherches seraient soumises à l'organisme chargé de gérer le un pour cent, que l'on pourrait appeler centre de recherche ouverte.

Ce centre serait indépendant de l'establishment scientifique et dirigé par un bureau représentant un large éventail d'intérêts et incluant des organisations non gouvernementales et des associations de bénévoles. Le bureau serait composé pour la plupart de non-scientifiques, comme dans certaines associations de financement actuelles. À partir des suggestions reçues, il publierait une liste des domaines dans lesquels un financement est disponible et évaluerait les propositions grâce à l'aide d'experts, comme il est fait ordinairement. Il ne financerait aucune recherche bénéficiant déjà de fonds publics ou privés habituels.

Cette nouvelle procédure, ouverte aux propositions et à la participation du public, n'impliquerait aucune dépense supplémentaire mais aurait pour effet d'impliquer fortement le public dans la science et l'innovation. Je pense qu'elle rendrait les sciences plus attractives aux yeux des jeunes, stimulerait l'intérêt du public pour la pensée scientifique et aiderait à combattre le déprimant sentiment d'étrangeté que beaucoup ressentent envers la science. Elle permettrait aux scientifiques eux-mêmes de penser plus librement. Elle serait, enfin, nettement plus amusante.

D'autres moyens de promouvoir le financement de projets scientifiques pourraient être envisagés: une émission de télévision, par exemple, pendant laquelle des propositions de recherches sur des sujets intéressant un large public seraient examinées par un jury.

(extrait de "réenchanter la science" - R.Sheldrake)

Rupert Sheldrake (26-01-2018)