Lorsqu'on se plaint d'être atteint d'une maladie infectieuse, on exprime en fait que notre corps est devenu l'hôte d'un agent pathogène qui produit plusieurs symptômes déplaisants. Ces agents peuvent être des virus, des bactéries et d’autres parasites microbiens comme un protozoaire ou un champignon. La médecine conventionnelle tente de comprendre l'étiologie (la cause) et la pathogenèse (le mécanisme) de chaque maladie (McGuire, Marks, Nesse et Troisi, 1992). Il faut souligner que ce sont des niveaux prochains d'explication : ils concernent le comment plutôt que le pourquoi les maladies se produisent. À partir de ce niveau, les cliniciens ont l'ambition de développer des traitements qui font disparaître les symptômes et détruisent l'agent pathogène. La médecine darwinienne, elle, s'intéresse aux explications ultimes des symptômes de la maladie pour aider à la traiter. L'approche évolutionniste consiste à se demander pourquoi de tels symptômes existent, quelle fonction ils remplissent. Il est important ici de comprendre que ceux qui adoptent cette démarche n'entendent pas remplacer la médecine conventionnelle ; l'approche évolutionniste pourrait plutôt fournir un cadre plus général dans lequel concevoir la santé et la maladie.[…] L'approche évolutionniste considère la relation entre un hôte [le malade] et un parasite comme une course aux armements se déroulant à l'échelle des temps évolutifs, dans laquelle chaque partie combat pour prendre le dessus. L'adaptation d'un des protagonistes entraîne une contre-adaptation de l'autre ; l'un des avantages de ce point de vue est que les symptômes peuvent être conçus comme des adaptations. Mais il y a là un problème : adaptation de qui, de l'hôte ou du parasite ? Cette question n'est pas purement académique. Les adaptations de l'hôte sont destinées à détruire et expulser l'agent pathogène ; les adaptations de celui-ci sont destinées à répandre des copies de lui même d'autres corps. Les praticiens de la médecine traditionnelle ont tendance à considérer tout symptôme comme pathologique, c'est à-dire comme un problème qu'il faut régler (Clamp, 2001). Les évolutionnistes ont, quant à eux, suggéré que nombre de nos symptômes pourraient être des mécanismes de défense qui ont évolué pour nous protéger (Martin, 1998). Peut-être devrait-on s'efforcer de soulager les symptômes qui ont pour fonction de bénéficier à l'agent pathogène, mais aussi supporter quelque temps ceux qui ont pour fonction de le tuer. En leur permettant de persister, on pourrait, à long terme, accélérer la guérison. […]Les bactéries sont des organismes microbiens à une seule cellule. La plupart d'entre elles vivent librement mais certaines ne peuvent survivre que dans le corps d'autres organismes où elles causent souvent un affaiblissement. Soumis à une infection bactérienne, le corps de l'hôte libère un élément chimique appelé médiateur endogène leucocytaire. Cette substance a pour effets d'augmenter la température corporelle et de réduire le fer dans le flux sanguin (en le stockant dans le foie, ce qui réduit de plus de 80 % le fer sanguin). Tout ceci peut ressembler à des mauvaises nouvelles — et c'est vrai en un sens : on se sent apathique et fiévreux. Mais puisque les bactéries ont besoin de fer pour se développer et se multiplier et puisqu'une température corporelle plus élevée permet de les tuer, ces modifications désagréables sont exactement ce que le médecin recommanderait pour se débarrasser de l'envahisseur. Malheureusement, ce que le médecin recommande en fait pour répondre à la demande du malade, c'est un médicament antipyrétique (qui diminue la fièvre) et un apport de fer. En réalité, les médecins et les pharmaciens ne réalisent même pas que de tels traitements peuvent prolonger la maladie (Nesse et Williams, 1995). […] Extrait de « Psychologie évolutionniste. Une introduction » de Lance Workman et Will Reader (Ed. De Boeck)
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