Lorsqu’on parle de pédophilie, des images ignobles viennent souvent en tête : celles des orgies d’Outreau, celles des cadavres de Dutrou, celles d’enfants détruits par la violence de ce qu’ils ont vécu, celles des enfants qu’on exploite… Alors oui, puisque les médias résument la pédophilie à ça, et puisque les gens n’ont que les médias pour connaître ce qu’est la pédophilie, il est normal de penser que les pédophiles sont des monstres…Mais si on vous dit maintenant, que pour une majorité de pédophiles, les actes que j’ai cités les choquent tout autant que vous. Si on vous dit que la majorité des pédophiles sont des gens qui ne passent jamais à l’acte, justement par amour… peut-être alors que votre regard commencera à évoluer.Voici le témoignage de Samuel, recueilli dans le livre de Latifa Bennari, présidente de l’association l’Ange Bleu, luttant contre les dégâts de la pédophilie :« Ainsi donc, je suis « un pédophile ». Et les pédophiles sont perçus comme des malades, des violeurs, souvent des assassins : des monstres ! […] Mais je n’ai jamais voulu faire de mal ! La violence, je l’ai toujours abhorrée. J’ai longtemps été un chrétien fervent. J’ai toujours été doux et patient envers les plus jeunes. Pourquoi donc ce mépris, pourquoi cette haine ? Alors même que je n’ai rien fait et que, en ce qui concerne les enfants du moins, telle n’est même pas mon intention ? Je vais très mal et j’ai l’impression de ne pouvoir m’en ouvrir à personne. J’ai l’impression qu’on me mépriserait, que je vais me faire injurier, voire dénoncer. » (l’Ange bleu – L. Bennari, 2005)Pourquoi ne résume t-on pas l’hétérosexualité aux viols commis ou aux violences faites aux femmes ? Simplement parce que les viols et les violences faites aux femmes ne sont pas représentatifs de l’hétérosexualité, pas plus que la transmission du SIDA n’est représentative de l’homosexualité.Pourquoi résumerait-on alors la pédophilie aux viols sur enfants alors même que ce n’est pas plus représentatif ?Il faut rappeler la signification réelle du mot « pédophile » : les pédophiles sont ceux qui aiment (-phile) les enfants (pédo-) et c’est justement parce qu’ils les aiment, que la majorité des pédophiles sont abstinents et ne passent jamais à l’acte. C’est autant de douleurs qu’ils gardent en eux pour ne pas l’infliger aux enfants.Imaginez pendant quelques minutes, qu’à l’adolescence, plutôt que d’avoir la chance comme vos camarades, de tomber amoureux d’une fille ou d’un garçon de votre âge, vous découvrez que ceux qui vous attirent sont les plus petits… Que faites vous ?Vous pouvez vous suicider mais l’instinct de survie que vous ne contrôlez pas est plus fort et vous vivez… vous survivez.Vous voulez vous confier parce que c’est trop lourd à vivre, mais vous ne le pouvez pas.Par crainte de lynchage, alors même que vous n’êtes jamais passé à l’acte, vous ne pouvez que le cacher. Vous ne pouvez en parler à une autorité quelconque. Vous ne parvenez même pas à trouver un psychologue ou un psychiatre qui accepte de vous aider.Lisez ce second témoignage, celui de Mickaël :« […] mais comment veulent-ils qu’on soit fier et qu’on accepte « normalement » un « état » aussi méprisé en lui-même !? C’est cette pression qui fera que bon nombre de pédophiles ne s’avoueront jamais à eux-mêmes être pédophiles, se refusant à croire qu’ils sont ce monstre immonde dont parlent les médias, s’enfonçant par là même dans le refoulement. C’est cette pression également qui fera que des pédophiles, conscients d’être pédophiles, agiront de manière non naturelle, voire malsaine, en se cachant, en mentant, en manipulant, en refusant éventuellement le moindre contact avec des enfants, en alimentant ainsi la frustration et le caractère d’un homme isolé, sauvage, reclus qui finit par perdre le contrôle lorsqu’il est confronté à la réalité. […] Jetez des pierres au chien le plus gentil qui soit, il finira par mordre. » (l’Ange bleu – L. Bennari, 2005)Vous vivez des années de douleur, parce qu’on ne vous comprend pas. Vous vous retenez jour après jour de vivre l’amour alors que vous voyez les autres avancer dans le bonheur d’une vie amoureuse. En récompense de vos efforts, vous entendez sans cesse répéter que les pédophiles sont pires que des meurtriers… et vous êtes un pédophile, abstinent, mais pédophile.Personne ne cherche à vous comprendre à connaître l’origine de votre mal, les recherches en sont au point zéro. Personne ne se dit que vous étiez vous aussi un enfant mais que votre enfance a peut-être plus qu’une autre été blessée. Personne ne veut comprendre que vous n’avez pas choisi d’être ce que vous êtes. Personne pour vous soutenir et vous tendre une main.Et puis un jour, parfois, vous craquez. Vous n’auriez pas craqué si on vous avait écouté. Vous n’auriez pas craqué si on ne vous avait pas jugé sans vous connaître. Vous n’auriez pas craqué si on avait essayé de vous comprendre. Vous n’auriez pas craqué si on avait eu un peu de compassion aussi pour vous et qu’on avait été à vos côtés pour vous soutenir.Le pédophile est lui aussi victime de la pédophilie tout comme l’enfant qui la subit…Voici encore un témoignage, recueilli sur le site de l’ange bleu
"Madame, Monsieur,je vais vous choquer : je suis pédophile.Le mot est lâché. Et vous semblez au moins accepter de continuer à me lire. Mais pourtant, vous ne savez rien de moi malgré cette confession, ce mot que tout le monde ...
C’est en associant, par un raccourci grossier, la pédophilie à la monstruosité de quelques psychopathes, qu’on entretient la pédophilie en empêchant les personnes atteintes d’être aidées.Imaginez maintenant, une société où on n’autorise pas les agissements pédophiles mais où on ne blâme pas les pédophiles abstinents. Une société où ils n’auraient plus à se cacher et pourraient enfin se faire aider avant que le cumul de leur souffrance les fasse passer à l’acte.Au nom des enfants que vous prétendez défendre, pensez-y…
Une véritable panique morale s’est emparée de notre société occidentale : les relations sexuelles avec les enfants sont devenues un véritable tabou, dont la transgression entraîne une horreur sacrée. Les sanctions revendiquées contre leurs auteurs relèvent de traitements d’exception allant des mesures d’éloignement jusqu’à celles préconisant l’anéantissement. Le pédophile est devenue la figure du nouveau monstre. La croisade menée contre lui relève d’un projet de purification du monde par l’annihilation d’une catégorie humaine considérée comme l’incarnation du mal absolu. Et la chasse ainsi ouverte a mené à des effets pervers catastrophiques : depuis le syndrome des faux souvenirs qui ravagea un temps les Etats Unis (tout mal-être étant considéré comme la conséquence d’agressions sexuelles dans la petite enfance, refoulées et oubliées, qu’il fallait faire remémorer aux patients) jusqu’à l’hystérie s’emparant de certaines communautés étatsuniennes imaginant des viols systématiques dans des crèches (s’avérant ensuite totalement fictifs), en passant par ces listes de criminels ayant purgé leur peine, mais néanmoins livrés en pâture à l’opinion publique aux Etats Unis comme en Grande Bretagne. Que s’est-il donc passé pour en arriver là ?
Première réponse possible, l’interdiction à l’enfant s’est affirmée alors que, parallèlement, les mœurs sexuelles ont été marquées par une permissivité grandissante. Le pédophile serait alors « le bouc émissaire idéal d’une société qui organise l’exacerbation du désir sans apporter les moyens de sa satisfaction » (Michel Houellebecq, cité p.51). Autre réponse possible, la recherche de l’origine d’un mal que l’on situerait à l’extérieur, évitant ainsi de se poser la question des pulsions malsaines qui habitent chacun d’entre nous. Après tout, les agressions sexuelles sont, dans 92 % des cas, d’origine intrafamiliale. Une hypothèse encore : les anxiétés autour des enfants ont toujours été une constante récurrente dans l’histoire. On les retrouve dans les légendes, les mythologies et les cultures. Elles sont aujourd’hui réactivées du fait de l’explosion des disparitions inquiétantes : de 2500 en 1963 à 44 140 en 2006. Avec pour effet, le passage brutal du déni à l’obsession, au point d’en arriver à étouffer ceux que l’on voudrait protéger sous l’angoisse exagérée et la surprotection excessive des adultes.
Aussi est-il temps de se donner les moyens de faire face à cette dérive, revendique l’auteure. Il n’est pas question ici de regretter un seul instant cette nouvelle sensibilité qui a permis d’entendre enfin la parole et la plainte de l’enfant quand celles-ci furent pendant longtemps ignorées, voire méprisées. Il faut néanmoins renoncer à la quête impossible d’une victoire totale sur le mal et inscrire l’action contre les souffrances des innocents dans une logique de compassion certes, mais aussi de raison. (commentaire de Jacques Trémintin)
Pour agir efficacement, il faut commencer par comprendre. Qu'est-ce que la pédophilie ? Qui sont les pédophiles ? Pourquoi et comment le devient-on ? Peut-on prévenir l'apparition de ces attirances ? Ou du moins aider à les faire évoluer ?
Loin des théories préconçues, en prise directe avec la réalité, Latifa Bennari s'est efforcée de trouver des réponses à ces questions : en apportant aide et écoute à des centaines de victimes au fil des ans ; en allant à la rencontre de plusieurs dizaines de délinquants sexuels.
Reflet de ses méthodes, ce livre est d'abord un recueil de témoignages : à celui de l'auteur succèdent ceux d'autres victimes, puis de pédophiles abstinents et de détenus ainsi que ceux de personnes victimes de dérives dans la lutte contre la pédophilie. Mais l'auteur a voulu en même temps expliquer et conceptualiser son approche. Au-delà du grand public, cet ouvrage devrait intéresser particulièrement les professionnels concernés par les problématiques de la maltraitance sexuelle sur enfants en apportant des réponses à leurs questions.
Installée en France depuis 1976, Latifa Bennari est mère de deux enfants. En 1998, elle fonde l'Ange Bleu, Association nationale d'information et de prévention concernant la pédophilie afin d'étendre l'action qu'elle avait menée jusque-là seule, à titre personnel : http://www.ange-bleu.com (commentaire de Ed.du Rocher)
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